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LA POÉSIE DU PEINT

Damien De Lepeleire (°1965), artiste-peintre belgo-italien, est connu pour son style unique mêlant poésie et humour. À seulement 21 ans, il devient le plus jeune lauréat du Prix de la Jeune Peinture Belge en 1986. Passionné par l’automobile, son art reflète cet intérêt avec des œuvres captivantes, souvent réalisées en série et à grande échelle.

Un atelier hors du commun : de la vitesse à la création

C’est dans un ancien show-room automobile, situé Chaussée de Waterloo à Uccle, que Damien De Lepeleire installe son atelier. Ce lieu, autrefois dédié à McLaren, est désormais un espace vibrant de créativité. Les larges baies vitrées laissent entrevoir des tableaux grand format, des aquarelles, des tubes de peinture et des pinceaux, témoignant de l’effervescence artistique du lieu.

« Grâce aux grands formats, tout le corps du spectateur est impliqué, et pas seulement les yeux », explique-t-il. Selon l’emplacement et la lumière, chaque tableau offre de nouvelles perspectives, invitant à une expérience immersive.

Des Séries artistiques inspirées

Damien De Lepeleire travaille principalement par séries, explorant différents thèmes et techniques :

  • « Inferno’s floor » : Inspirée des mosaïques romaines antiques.
  • « House music » : Silhouettes féminines blanches sur des fonds géométriques évoquant la marqueterie médiévale.
  • Typographie disco : Mots courts en grandes lettres lumineuses.
  • « Old gold » : Points noirs vibrants superposant des couleurs vives sur un fond blanc, évoquant une esthétique braille revisitée.
  • « Masterpieces » : Portraits d’inspiration antique, réalisés en aquarelle ou encre de Chine translucide.

Chaque œuvre incite à un dialogue entre l’observateur et la peinture, permettant à chacun d’imaginer sa propre histoire.

La passion automobile dans l’art

L’automobile est un sujet récurrent chez Damien De Lepeleire. De grandes toiles comme « Dino » ou « Miura » immortalisent les voitures légendaires du troisième quart du XXe siècle. Une série intitulée « Portrait of a Friend » se concentre sur les roues, reproduisant avec précision pneus, jantes et enjoliveurs emblématiques, un clin d’œil aux connaisseurs.

La loi des séries

Pour Damien De Lepeleire, les séries ne sont pas qu’une méthode, mais une philosophie. Il explique : « J’ai commencé les séries pour me perfectionner et m’améliorer tableau après tableau, en explorant un même thème. Aujourd’hui, cela fait partie intégrante de mon processus artistique. » Ayant réalisé près de cinquante séries à ce jour, il reconnaît que ce format n’est pas toujours adapté au marché de l’art commercial : « Les galeries doivent vendre ce qui se vend, souvent au détriment des artistes qui prennent des risques. »

En autodidacte, il a bénéficié d’un apprentissage unique en travaillant aux côtés de figures influentes comme Walter Swennen, Jan Vercruysse et Panamarenko. Cela lui a permis d’éviter de devenir le « fonctionnaire de son propre travail » et de continuellement repousser ses limites créatives.

« DÈS QUE MA MAIN DÉRAPE
DANS LE DESSIN D’UNE
MUSTANG, LA VOITURE EST
DÉFORMÉE ET TOUT LE MONDE
S’EN RENDRA COMPTE. »

Une Approche Artistique Libre et Intuitive

L’art de Damien De Lepeleire échappe aux classifications traditionnelles, même si des traits communs relient ses œuvres. Que ce soit à travers l’huile, l’aquarelle ou l’encre de Chine, il laisse toujours ses peintures évoluer librement : « Je commence sans savoir où je vais m’arrêter. Chaque tableau prend vie par lui-même, avec ses petits accidents qui enrichissent le résultat final. »

Cette liberté artistique est essentielle, notamment dans ses séries sur des thèmes précis, comme les voitures anciennes : « Dès que ma main dérape dans le dessin d’une Mustang, la déformation est visible et tout le monde s’en rend compte. » Cette quête de justesse, alliée à un certain lâcher-prise, rend ses œuvres aussi uniques qu’imprévisibles.


Un Survivant dans le Monde de l’Art

Malgré les contraintes du marché, Damien De Lepeleire a su préserver son authenticité. Il jongle entre des projets qui peuvent durer des semaines, voire des années, avant de passer à un nouveau défi lorsqu’il sent avoir fait le tour d’un sujet.

Il est conscient des difficultés pour les jeunes artistes d’aujourd’hui : « Il n’y a plus tellement de place pour les poètes ou ceux qui prennent des risques. » Pourtant, son parcours, marqué par des petits boulots variés au début de sa carrière (DJ, cuisinier, graphiste), illustre une résilience qui l’a conduit à vivre exclusivement de son art.

La Peinture et l’Émotion : L’Approche Unique de Damien De Lepeleire

Pour Damien De Lepeleire, la peinture n’est pas seulement une représentation visuelle, mais un déclencheur d’émotions et de souvenirs. Sa série consacrée aux voitures illustre parfaitement cette idée : « Les voitures ont un pouvoir évocateur énorme, préalable à ce que je peins, mais aussi grâce à ce que je peins. » Chaque modèle peint, qu’il s’agisse de la Mustang ou d’une voiture familiale, réveille des souvenirs chez les spectateurs, dans un véritable hold-up sentimental, comme il aime à le dire en paraphrasant Richard Virenque.


La Passion des Voitures : Une Précision Rigoureuse

Contrairement à ses autres séries, la peinture des voitures impose une rigueur particulière. « Je ressentais une obligation morale de respecter les formes et les détails », confie De Lepeleire. Dans sa série « Beautiful Landscape », il joue avec les dimensions des modèles réduits comme les Dinky Toys, laissant de grands espaces blancs autour des véhicules pour que l’imaginaire du spectateur construise le paysage. Ces œuvres, au-delà de leur esthétisme, capturent un monde en voie de disparition, offrant un éclairage sociologique et nostalgique inattendu.


L’Image et Son Double : Le Défi de la Reproduction

Les œuvres de De Lepeleire, présentes dans des collections prestigieuses comme le SMAK à Gand, le MACS au Grand-Hornu, ou encore le Musée d’Ixelles, perdent une partie de leur essence lorsqu’elles sont reproduites. « Une peinture, c’est une image, une matière, un format et des couleurs. Reproduite, elle perd trois de ces quatre dimensions », explique l’artiste.

Face à un flux incessant d’images dans notre quotidien, il cherche à capter l’attention du spectateur par des sujets familiers : voitures, montres, chaussures. Cette familiarité, combinée à une recontextualisation artistique, pousse à remettre en question nos perceptions et idées préconçues, un rôle qu’il attribue aux artistes en tant que vigies du monde visuel.

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